Interview pour le zine BOBBY NOISY (Mai 2023)

Pour celle et ceux qui ne connaissent pas le label Deviance Records, je vous demanderai pour commencer de vous déconnecter d’instagram de merde et d’aller voir un peu plus
loin que ce que vous propose les nouveaux influenceurs punks comme la vida es mus.
Stéph :
 
Salut Jérôme !
Avant toute chose, nous sommes heureux de pouvoir participer à ta p’tite feuille de chou. Perso cela fait plus de 30 ans que je lis des zines et c’est toujours avec autant de plaisir de pouvoir découvrir de nouveaux zines et de voir que des petits nouveaux reprennent le flambeaux et aussi ceux qui poursuivent l’aventure. Car je sais très bien le temps que cela prend, le travail que cela représente pour sortir une, petite feuille de chou D.I.Y.
Et j’aime beaucoup également me replonger dans des anciens zines que je kiffais et que je lis de temps à autres toujours avec autant de plaisir quand j’ai un peu de temps libre comme PROPAGANDE, FUTURE NOIR, NO GOVERNMENT, L’ETOILE NOIRE, TOTALITARIZM, ON A FAIM, MARCHE NOIR, GUERILLA URBAINE, JEUNE REVOLUTION, TRANXENE etc… qui rappellent de bons souvenirs et des bons moments vécus. 
Là j’ai découvert NO COUNTRY FOR OLD PUNK que j’aime beaucoup. En ce moment mes lectures sont PUNKULTURE qui est devenu incontournable maintenant, KARTON (le zine des potes de Krav Boca), UHP ZINE, ROTTEN EGGS SMELL TERRIBLE mais aussi des zines comme LA FAUTE A QUI, Du PAIN DU VIN ET DU BOURRIN, ZOOP!, DECONTROL etc… et BOBBY NOISY évidemment !
Tout le monde sait que le fanzine reste l’un des meilleurs moyens de faire le lien entre les groupes, assos, activistes de tout poil etc… et le « public ». Les zines servent à communiquer, à échanger des idées, faire passer des messages, à développer les contacts, à faire découvrir des groupes, assos, distros, collectifs, fanzines etc… et tout ça en s’exprimant librement sans censure. Le fanzinat fait partie intégrante de la scène punk et c’est pour cela qu’on le soutiendra toujours !

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Sinon pour en revenir au sujet, là je viens de me rendre compte que nous sommes encore plus déconnectés que toi car je ne connais pas ce nouveau truc ! « La vida en mus » ? C’est quoi encore que ce nouveau machin ? Effectivement nous n’avons pas de fessebook DEVIANCE (ah si, indirectement juste une page SUCETTE DISTRO pour annoncer les nouveautés en distro), ni instagram, ni tik touk-touk et autre réseau social de la génération hyper connectée mais nous sommes tout de même sur le net avec tout simplement un site internet mis régulièrement à jour (et ça nous prend assez de temps comme ça !) où tu retrouves toutes nos activités : label, distro, orga concerts, radio etc :  deviancerecords.comEncore faut-il faire un petit effort et y aller de temps en temps voir les news ! Mais il est vrai que même dans la scène punk, demander aux gens de faire un petit effort, devient de plus en plus difficile ! Avec cette société de surconsommation où toutes les infos viennent à toi sans ne rien faire, sans faire un petit effort, la plupart des gens ont pris l’habitude d’attendre que ça vienne vers eux, que tout leur tombe dans les mains sans lever le petit doigt ! Je trouve ça carrément ANTI-PUNK, ANTI-D.I.Y comme attitude ! C’est malheureux mais c’est comme ça. 

MY SPACE avait tout chamboulé dès son lancement, tous les groupes avaient sauté dessus les yeux fermés. Ca s’est empiré avec fessebook. Là ce fut littéralement un raz de marée. Tout le monde a sauté là dedans. Pouquoi ? Simplicité ? Vitesse pour informer ? Vouloir tout savoir sur tout ? Très certainement les 3 à la fois. 
Nous vivons dans une société qui va toujours de plus en plus vite, une société déjà dirigée par les GAFA et quand je vois certains labels ou groupes qui ont un site internet, fessebook, instagram, YouTube, WhatsApp, Bandcamp et autre truc, je me dis que les mecs sont connectés toute la journée sur leur ordi ou sur leur mobile (c’est pas possible autrement si tu veux avoir toutes les appli à jour !), et ils font les beaux jours de toutes ces multinationales milliardaires !
 Quand je vois déjà le temps que nous nous passons devant l’ordi pour répondre aux mails, mettre le site à jour, faire la newsletter, préparer les commandes etc… C’est déjà bien assez comme ça. Après nous n’avons pas comme but d’aller plus vite, de vendre plus, d’être les plus connus et d’avaler les autres. Nous n’avons pas d’objectif, de plan de développement, ni de plan « marketing » ou autre merde du genre. Nous ne sommes pas une entreprise !!! Donc oui, si tu veux te tenir au courant de nos activités, il faut faire un petit effort, aller jeter un oeil sur notre site et basta !  
Marylène :
 
Moi non plus je ne sais pas à quoi tu fais référence avec « la vida es mus », mais pour rebondir sur les remarques de Steph, je dirais que chacun décide de son utilisation (ou non) des réseaux sociaux. Utilisés intelligemment, ils sont un moyen de communication comme un autre !
Les photos du chien de Duduche ou encore pire, de ses gosses ne m’intéressent absolument pas, mais suivre des groupes ou des asso que j’apprécie, et avoir accès à leurs infos, je ne trouve pas ça déconnant. Après, si aucun groupe n’était sur FB, personne n’irait chercher les infos sur ce réseau….mais comme la majeure partie y est….
 Je comprends néanmoins et je respecte le choix des personnes qui veulent s’en tenir à l’écart .

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La scène punk a ses faiseurs de roi, ses label qui font du « non profit » une pub mensongère, ses groupes qui sont tout aussi anti-capitalistes que les adhérents du MEDEF. Les hypsters ne se sont pas trompés et fleurissent un peu partout comme des orties. Deviance records c’est un peu les derniers des mohicans avec un état d’esprit résolument à l’ancienne et qui résistent tant bien que mal en essayant de s’adapter à notre époque ultra connectée et plus consommateur que jamais.
Stéph :
 
Je pense qu’il y a vraiment 2 mondes dans la scène punk. Ceux qui ont l’esprit D.I.Y, non profit, anti-capitaliste, anti-fasciste gravé en eux et ceux qui en ont rien à battre et qui s’en servent de juste comme vitrine pour vendre et faire un peu de pépétes ! Quand je vois certains LP à 20€ dans certaines distro et que nous nous vendons le même à 10 balles, il y a bien 2 mondes ! 
Je ne dis pas que nous sommes les meilleurs, loin de là, car il y a plein de distro super chouettes avec des gens toujours aussi motivés qui y mettent toutes leurs tripes, leur coeur et parfois aussi un peu de leur porte-monnaie ! Je pense notamment à SUBVERSIVE WAYS, MALOKA, STONEHENGE, CRUSTATOMBE, EMERGENCE, LA SOCIETE PUE, LA FRANCE PUE, LES NAINS AUSSI ou encore TRAUMA SOCIAL, GENERAL STRIKE, RUSTY KNIFE,  ZONE ONZE, La DISTROY, DIRTY PUNK rds etc… Il y a de très bonnes distro en France et heureusement. Donc non nous ne sommes pas les derniers des mohicans ! Nombreux sont ceux qui bossent toujours de façon alternative, avec de la sincérité et avec le poing en l’air face à cette société de merde qu’on rejette tant ! Et cela fait plaisir de voir des potes qui se bougent le cul avec un bon esprit et qui restent sincères au fil du temps.
 
D’un autre côté il y a des structures plus « officielles » où certaines membres sont rénumérés comme MASS PRODUCTIONS par exemple. Ceci n’enlève rien à leur engagement, leur motivation etc… Mais par contre les disques sont peut-être un peu plus chers à leur stand mais ça reste correct et c’est compréhensible et tout à fait acceptable vu le travail que l’asso fournit pour faire vivre la scène punk. Pour moi aucun soucis là-dessus. 
 
Ensuite il y a des labels/distro/disquaires indé qui ont clairement des prix qui sont pour nous inacceptables ! ENRAGES PROD pour ne citer qu’eux par ex. Quand tu vois les cachets de groupes à 3000/5000€ la prestation, les prix des LP à 20€, CD à 15€, tee-shirts à 20/25€ etc… il n’y  plus rien de punk, de D.I.Y dans la démarche. C’est juste une machine à fric. Tu ne peux pas écrire des textes soi-disant anti-société marchande, anti-capitaliste etc.. et vendre ton CD à 15€ alors que le prix de revient est à 2 ou 3€ maxi, des tee-shirts à 20 boules alors qu’ils te coûtent 5€, plus demander resto, hôtel, telle marque de bières, telle marque de Whisky en loge sinon tu ne viens pas jouer. Et pis quoi encore ? De la coke et des putes ? On en est où là ??? Punk rip off, fuck off !
 
Autre point, lorsque nous faisons des échanges avec certains labels et qu’ensuite on voit nos disques à 15€/18€ en stand alors qu’on les vend 8 ou 10€, on se dit qu’il y a abus. On a même vu dernièrement un LP de FREDAG DEN 13:E à 20€ sur un stand d’un mec que je tairai le nom. Clairement certains en profitent pour se faire un p’tit billet comme on dit . Mais si certains sont assez cons pour payer un disque « punk » à 20€, que veux-tu que je te dise ? C’est sur il n’y a rien de punk là-dedans, mais je pense que c’est aux gens de boycoter ces « mini-entreprises » à fric… Maintenant chacun fait ce qui lui plait…
Je peux même te partager une petite anecdote. Lors d’un concert des LUDWIG VON 88 à Nancy, nous tenions notre stand. Un mec était en train de mater les disques et il hallucinait sur le prix des disques des LUDWIG entre autre. Nous les vendions à 12€ à l’époque alors que LUDWIG les vendaient à 25€. Le mec nous demande si c’étaient les vrais disques ? Là on a halluciné complet !!! et je lui ai demandé : Qu’entends tu par « les vrais » ? Il me dit : « et bien, les mêmes que ceux des LUDWIG vendus là-bas ? ». Là on éclate de rire et on lui répond que bien évidemment ce sont les mêmes. Je lui sors même le vinyle de la pochette, lui montre le logo d’A.Z.M etc.. et je lui réponds qu’on ne presse pas les vinyles dans notre cuisine. Le mec nous regarde douteux. Il fait encore 1 aller / retour entre les stands, puis au final ira acheter 3 vinyles aux LUDWIG pour du coup 75€ alors qu’il en aurait eût pour 36€ à notre stand. Là on s’est dit que la société de consommation fait bien son travail : Du pas cher dans les distro punk, style le « Lidl » du punk, et bien c’est de la merde, des copies ! Et les disques chers chez les distro « Carrefour » du punk, et bien c’est de la qualité, des vrais ! Hallucinants le comportement que tu peux voir même chez des gens qui côtoient la scène punk-rock. Là on est bien encré dans la société de consommation, pas de doute ! 
Marylène :
 
Pour moi l’accès à la musique, que ce soit pour l’achat de disques ou de billets de concerts, doit être possible pour la majeure partie des gens. Nous nous revendiquons non profit, et c’est à mon sens le plus important dans Déviance. Nous gagnons très peu sur nos ventes de disques, et rien du tout sur nos concerts. Notre motivation c’est d’aider des groupes que nous aimons à sortir des disques, et d’organiser des concerts pour les belles rencontres, du côté des groupes, labels, comme du public.
Alors quand un label avec qui tu co-produits veut t’imposer un prix de vente parce que sinon tu brades le groupe, ou je ne sais quelle connerie, là ça m’énerve.
Les gros festivals maxi subventionnés et blindés de têtes d’affiches, c’est pareil et je me dis d’ailleurs que je n’y ai pas ma place, c’est juste l’antithèse de ce que l’on fait…..
Ce label existe depuis 20 ans et en 2002 internet ne prenait pas autant de place dans nos vies qu’aujourd’hui. D’avoir le vécu et le ressenti de Deviance records sur ces 20 dernière années me parait très intéressant. Qu’est ce qui a changé ? Quelles sont les pratiques qui les ont déçu ou enthousiasmé ? Est-ce que Francis Cabrel a tapé dans le mille quand il dit « c’était mieux avant » ?
Stéph :
 
Avant : concerts, flyers, discussions, rencontres 
Maintenant : concerts, flyers que tu retrouves par terre, portables et tout le mode s’en va
 
Avant : 10 bars dans ta ville où tu pouvais organiser des concerts punks
Maintenant : 0 ! Ou tout au mieux 1 seul…
 
Avant : Prix d’un LP 8€
Maintenant : Prix d’un LP 12€, 15, voir plus
 
Avant : Militantisme, soirées collages, manifs
Maintenant : 98% s’en foutent ! Ca, c’est pour les soixantes-huitards !
 
Avant : Concert loupé = 150/200 entrées
Maintenant : Concert réussi = 50/60 entrées !!!
 
Avant : Des centaines de litres de bières avalées et quelques grammes de coke par-ci par-là
Maintenant : Des centaines de litres de bières avalées mais surtout des kg de speed sniffés !!! 
 
Avant : 100 personnes dans un concert et 0 portable
Maintenant : 100 entrées, 98 portables, 10 qui font mu-muse, 10 qui téléphonent sans arrêt et 40 en train de filmer le concert !
 
Avant : Flyers/affiches = 200/300 entrées au concert
Maintenant : internet, mail, facebook, instagram etc.. = 500 intéressé/250 participants pour au final 80 entrées au concert le jour venu !
 

Avant : Les gens venaient au concert pour découvrir les groupes

Maintenant : Les gens écoutent sur youtube ou bandcamp et viennent seulement si ça leur plait
 
Avant : Les tournée des groupes se faisaient par mail
Maintenant : les tournées se font par fessebook. Donc si t’as pas fessebook, tu ne peux pas choper les groupes en tournée…
 
Avant/Maintenant, je peux continuer longtemps… Mais clairement : internet/les réseaux sociaux, ce fut ça le gros changement je pense ! Y’a pas de doute là-dessus ! 
Perso, lorsque je suis allé à mes premiers concerts punk-rock, j’y ramassé une tonne de flyers et j’ai commencé à discuter avec les gens qui tenaient les stands, à écrire des lettres (et oui y’avait pas encore les mails à cette époque !) à des activistes, des zineux, des distro etc… J’ai commencé à me faire des contacts petit à petit. Tu recevais les réponses dans la boites aux lettres, y’a des flyers, des surprises dans les paquets, c’était tous les jours Noël ! C’était le seul moyen pour connaitre la scène punk : les concerts, les flyers, les zines. Mais y’avait surtout les discussions autour des stands, avec les groupes aussi, qui d’ailleurs étaient toujours derrière leurs stands. Il y avait beaucoup d’échanges, de rencontres, de vrais amitiés qui se créaient. C’était une période vivante ! C’était presque magique ! Pour tout de dire j’ai même rencontré Seb v-role, bassiste chanteur des KOMPTOIR CHAOS, lors d’un concert à Epinal à l’arrière de bagnole à siroter des binouzes il y a plus de 30 ans maintenant, et nous sommes toujours potes ! De même avec Moutch qui fait partie de notre asso. Il faisait un zine à l’époque du nom d’ELEKTROCHOK et je l’avais contacté par courrier pour un échange de nos zines respectifs. Puis après un concert à Nancy et pas mal de bières ingurgitées, on est devenu potes et ça fait plus de 30 ans que ça dure. De belles histoires d’amitié donc. 
Maintenant quand je vois le nombre de forums qui existent, le nombre de discussions à la con sans importance, le nombres de mails qu’on peut recevoir par jour, sans parler de fessebook etc… je me dis que les gens passent beaucoup trop de temps prisonniers derrière leur écran. Quand je vais dans un concert maintenant que je vois certains faire joujou avec leur portable plutôt que de discuter ou de regarder le groupe qui joue, oui, je me dis que c’était mieux avant. 
On tient notre stand de distro un peu partout en concerts et festoches et souvent les gens ne te parlent même pas. Ils regardent les disques, parfois achètent et se barrent, point barre ! J’essais toujours d’enclencher la discussion et parfois tu vois même que tu fais chier le mec ! 
C’est triste mais nous vivons tous dans une génération hyper connectée qui ne sait même plus se parler, échanger, prendre le plaisir à être simplement ensemble. 
Regarde dans une salle d’attente chez un médecin, dentiste ou même salle de pause dans une entreprise, plus personne ne se parle, tout le monde a les yeux rivés sur son portable. Nous sommes allés voir The Cure il n’y a pas très longtemps et j’hallucinais sur le nombre de gens qui filmaient avec leur portable, le nombre de nanas ou mecs qui faisaient joujou avec tout le long du show et qui au final ne regardaient même pas le concert ! Y’avait une nana devant nous qui a passé au moins 2 heures à envoyer des images/textos via fessebook, instagram  et je sais pas quoi d’autre. Elle tapait à une vitesse folle et ça n’a pas arrêté du concert ! Inutile de te dire que j’ai trouvé ça pitoyable d’autant plus que le concert était mortel !!! Pourquoi aller dans un concert sans regarder les groupes. Là, je bug… je ne comprends pas… 
Dans la scène punk-rock ce n’est pas mieux par moments. Tout le monde raconte sa vie, n’arrête pas de prendre des photos pour montrer ce qu’il fait le WE etc.. avec son foutu portable pour échanger ça sur les réseaux sociaux de merde. Mais quelle tristesse ! Sans parler des bien-pensants, du monsieur je sais tout, je prends partie, j’accuse à tort et à travers, je flingue tout tranquillement assis derrière mon petit écran. A croire que ça doit en soulager plus d’un(e) ! 
Et puis pour toutes celles et ceux qui racontent leur vie, mais franchement qu’est-ce qu’on en a à foutre ??!! Moi ma vie, c’est la mienne et j’en ai qu’une, donc j’essais de la vivre à fond seul ou avec celles et ceux que j’aime. Je n’ai pas envie de montrer tout ce que je fais via mon portable et perso j’en ai rien à battre que de savoir ce qu’untel a fait de son week-end. Parfois chez certaines personnes issues de la scène punk, on se croirait à Loft Story, ça ne vaut pas mieux. C’est vraiment triste, mais les portables et surtout les réseaux sociaux ont rendu complètement débiles les gens. Les GAFA lobotomisent les gens pour mieux les contrôler, pour mieux diriger le monde et les gens plongent dedans tête baissée. Les gens n’arrivent plus à vivre sans Google et Fessebook. C’est moche.. 
Je pense que la scène punk aurait du fermer la porte à tout ça !  
Autre exemple : quand je vois des concerts annoncés uniquement via QR code, même pas de flyers, alors là j’ai tout juste envie de tout péter !!! Là je me dis que je suis vraiment trop vieux pour ce foutu monde de merde. Et effectivement je trouvais ça beaucoup mieux avant.  
Ceci dit, il faut bien reconnaitre que sans ce foutu fessebook, tu passes parfois à côté de concerts, tu apprends les sorties de disques 3 mois après, tu as les infos après tout le monde. Exemple sur Nancy il y a quelques années où Varukers avait remplacé un groupe qui avait annulé au N.J.P à la dernière minute. Donc cela avait été annoncé uniquement sur fessebook. Résultat 50 entrées car plein de gens n’étaient même pas au courant, comme le couillon que je suis ! J’étais furax quand je l’ai appris !!!
 
Je ne sais pas si Cabrel avait raison quand il disait « c’était mieux avant », mais en tout cas c’était bien différent et moi je suis plutôt nostalgique des années passés sur pas mal de points même si je suis une personne qui n’aime pas plus que ça que de vivre dans le passé. Après je comprends que les plus jeunes qui ont connus que cette génération se sente bien, mais je pense que les plus vieux d’entre nous ont un peu de mal à s’y faire…
 Quelle sont les compromis qu’ils ont du faire pour continuer à faire vivre leur label ? Quel regard porte t-il sur la scène punk d’aujourd’hui ?
Stéph :
 
Je ne pense pas qu’on ai fait de compromis en 20 ans. On a toujours co-produits les groupes de copains, les groupes dont on aimait la musique et les textes, les groupes qu’on a trouvé intéressant, qui avaient besoin d’un coup de main, tout cela sans se soucier de savoir si on allait vendre les disques ou pas. Parfois on a eu de bonnes surprises avec des repressages qui n’étaient pas prévus, et puis aussi de moins bonnes, avec des disques qui sont restés en stock des mois, voire des années. Parfois tu te dis à l’écoute du disque que ça va pas mal marcher que le groupe va percer et puis paf ! Le groupe stoppe ses activités… Et là tu te retrouves avec une centaine de disques à dealer alors que le groupe n’existe plus, ne joue plus… L’inverse est également vrai. On sort un disque d’un groupe peu connu, on se dit qu’on va avoir du mal à la vendre/échanger et puis tout s’écoule en 3 mois. Et on represse. Donc il y a parfois de bonnes surprises aussi.   
 
En plus de 20 ans, nous avons toujours eût un fonctionnement totalement sincère et indépendant, de façon totalement D.I.Y, sans subvention et ni aide quelconque.
 
Pour le choix des groupes que nous produisons, soit ce sont des groupes que nous connaissons, soit ce sont des labels avec qui ont bosse, donc qu’on connait bien, qui nous proposent la co-prod, soit ce sont des groupes qui nous contactent directement. Dans ce cas là, on se renseigne sur le groupe (leur démarche, où ils jouent, avec qui etc..) et surtout sur leurs textes qui sont plus importants que juste la musique. Je suis toujours sidéré de voir que certains labels choisissent les groupes juste à l’écoute de la musique. Lorqu’on demande les textes à un groupe, bien souvent le groupe est étonné et nous répond qu’on est le seul label qui demande ça. C’est fou ça ??!!
 
Concernant les disques, merchandising etc.. nous nous sommes toujours efforcés d’avoir les prix les plus corrects possibles.  
 
Pour la partie finance, absolument tout le fric récolté des ventes de disques a été intégralement réutilisé dans de nouvelles productions, des tee-shirts, des concerts pour aider des groupes. De mémoire, en plus de 20 ans, je crois qu’on s’est permis une seule bouffe sur le compte de l’asso pour fêter les 10 ans de KANAL HYSTERIK et le festival que nous avions organisé à Nancy. 
Maintenant nous avons la chance de ne plus sortir de fric de notre poche comme on a pu le faire à nos débuts. L’asso roule en auto-suffisance depuis pas mal de temps. 
 
Quant au regard que je peux porter sur la scène d’aujourd’hui mis à part qu’on a tous pris un bon coup de vieux, et bien ça me fait toujours sauter en l’air ! Le punk-rock est ma drogue depuis des années et je ne pense pas que cela va maintenant changer. Je kiffe toujours autant d’aller en concert, d’en organiser, de produire de disques, de faire de la radio etc… Et étant toujours investi dans cette scène, je dois avouer que pas mal de choses ont changé, notamment le comportement des gens qui est devenu plus « consommateur ». J’en ai déjà parlé plus haut. Les gens vont en concert, boivent des bières, quelques fois achètent en disque et point barre. Ca s’arrêtent bien souvent là. Par moment je trouve que les gens viennent en concert comme si ils allaient en boite de nuit, juste pour picoler et pour s’amuser et ça s’arrête là. 
Mais lorsque tu vas à un concert, tu soutiens l’asso qui organise, tu soutiens indirectement les groupes qui y jouent. Si tu achètes un disque/un zine, tu soutiens le label/asso et également indirectement les groupes. En gros tu fais vivre la scène punk-rock.  
 
Maintenant il est indéniable que quand tu cherches du monde pour s’investir, créer, lutter et bien il n’y a nettement moins de monde, voire plus personne. Je trouve que les années 90′ par ex, étaient beaucoup plus créatives car nettement plus de monde s’investissait, donc il y avait plus d’idées, plus de bras pour faire les choses.
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Marylène :
 
Notre vie personnelle a changé ces dernières années, avec l’arrivée d’un enfant. Nous avons continué les activités du label et même repris l’orga de concerts. En revanche, nous sortons moins qu’avant, ou alors pas ensemble, la distro sort moins aussi du coup ! 
En contrepartie nous avons refait notre site de vente en ligne et nous le gérons intégralement, cela nous permet d’être réactifs ! Pour l’instant ça roule, et la vpc nous permet de distribuer les skeuds même si nous ne pouvons pas faire tous les concerts et festivals que nous voudrions.
 
Un autre problème commence à se pointer…. Vu l’augmentation du prix des pressages vinyles, on ne peut plus se permettre de les vendre 8 balles. Jusqu’à quel niveau un prix est raisonnable ? Pourrons-nous continuer à co-produire du vinyle ? Comment va se comporter le marché dans plusieurs mois/ années ? Je crois que nous avons encore du pain sur la planche !
 
Mon regard sur la scène punk n’est pas très optimiste, elle n’est déjà plus très grande, et j’ai l’impression qu’elle rétrécit de plus en plus….

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Voilà c’est à vous! Vous pouvez partir dans tous les sens et raconter ce que vous voulez et même ne pas répondre à mes questions…
Stéph :
 
L’actualité en ce moment c’est la reforme des retraites. En ce moment les gens semblent bien remontés. Il y a de plus en plus de monde dans la rue contre ce projet. Je n’avais pas vu autant de monde dans les rues depuis les manif anti-CPE de 2006C’est certain, ce gouvernement de fera pas marche arrière. Macron a pour unique but de laisser son nom gravé dans l’histoire de France comme étant le premier président à avoir réussi une reforme des retraites. Je pense qu’ils ne feront marche arrière que si il y a un vrai chaos partout en France. Un mouvement de révolte plus fort encore que celle initiée par le mouvement des gilets jaunes ! Donc à nous de participer à ce mouvement social, à nous de foutre le bordel et d’intensifier la résistance ! Chaos social pour mettre à bas ce gouvernement pro-MEDEF, pro-patrons, pro-actionnaires, pro-riches ! 
 
Sinon bonne continuation à toi pour ton zine et tes groupes et merci pour cette interview plus qu’originale !!!
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Marylène :
 
Oui bonne continuation pour toutes tes activités et longue vie à Bobby Noisy Zine !